"On a tous hâte de réentendre le bruit des jetons résonner à nouveau dans une belle et grande salle de poker, n’est-ce pas ?"
S’il y a bien un souvenir vivace du poker live, dans ce monde d’avant que beaucoup regrettent, c’est celuide la grande salle du Palais des Congrès dédiée à la venue du World Poker Tour à Paris, organisée par les équipes du Club Pierre Charron. Histoire de célébrer ces beaux souvenirs tout juste un an plus tard, nous sommes allés lever le voile sur les coulisses de cette organisation hors-norme avec ceux qui ont fait l’événement, Ziad Farhoud et Pascal Rolin, aujourd’hui respectivement directeur marketing & technologies et directeur responsable du Club Pierre Charron.
Comment a germé l’idée du WPT Paris, qui a eu lieu il y a tout juste un an, fin février 2020 ?
En septembre 2019, nous avons signé un accord avec le World Poker Tour pour trois années de partenariat exclusif à Paris concernant toute la gamme du WPT, qui court donc jusqu’en 2024. Nous avons eu la chance de retravailler avec Adam Pliska et Hermance Blum, que nous connaissons bien depuis des années, à Paris ou Marrakech. C’était rassurant pour l’équipe du WPT de tous nous retrouver pour ce projet (Pascal Rolin, Ziad Farhoud et Bruno Fitoussi notamment).
Le Club Pierre Charron était encore en finalisation... L’idée de départ était d’ouvrir le club en novembre-décembre 2019, de se roder quelques se- maines, puis d’accueillir le WPT. Mais il y a eu des imprévus : les «gilets jaunes», puis des grèves gigantesques. Dans le quartier des Champs-Élysées, tout était bloqué et les équipes ne pouvaient même plus venir travailler. Donc le planning a été décalé, car il y a des rendez-vous de sécurité qui ne peuvent pas être reportés à n’importe quel moment; on attendait un minimum de 600 joueurs sur le Main Event.
On a alors commencé à réfléchir à un plan B.
Et quand le plan B est-il de- venu plus que probable?
En plus des incertitudes liées à la date d’ouverture du club, nous devions déclarer les tournois auprès de la police des jeux vingt et un jours avant la date de début des tournois... Nous avons donc activé une nouvelle hypothèse auprès des autorités : est-ce que nous pouvions légalement organiser le tournoi hors de nos murs?
La réponse est tombée tout de suite : rien ne l’interdit.
Sauf que personne ne l’avait jamais fait et que le défi était immense... La réglementation devait être appliquée de A à Z, comme pour un club «normal». On était le 20 janvier, nous n’avions plus qu’une grosse semaine pour nous décider. Grégory Benac, le président fondateur du club, nous a alors demandé de mettre en place le plan B, c’est-à-dire un tournoi hors des murs et idéalement dans un endroit qui mettrait au moins autant l’événement en valeur qu’il ne l’aurait été au club.
Comment est arrivée l’idée du Palais des Congrès?
On s’est tous retrouvés ce fameux 20 janvier à 22 heures pour faire le tour de nos carnets d’adresses : sans relations privilégiées, c’était impossible de trouver le lieu idoine. Les planètes se sont toutes alignées quand nous sommes arrivés à la possibilité du Palais des Congrès : c’était les vacances scolaires donc une période morte pour les congrès, il y avait de la disponibilité sur les dates qu’on avait annoncées pour le WPT, et les équipes événementielles de Viparis, le propriétaire du Palais des Congrès, avaient envie de se diversifier. Le poker souffre encore d’une image sulfureuse auprès du grand public, donc c’est précieux d’avoir des partenaires comme Viparis pour faire évoluer les mentalités.
À partir du feu vert du Palais des Congrès, comment s’est organisé ce bouleversement de programme?
Une fois obtenu l’aval des lieux et de la police des jeux, il a fallu partir de zéro pour créer un vrai club, qui respecte tous les aspects de la législation, même s’il allait être éphémère. On a dû acheter à peu près toutes les caméras de sécurité de la région parisienne, par exemple... On a tout organisé en deux semaines et il a fallu faire le montage de la salle en une journée et deux nuits puisque la salle était louée juste avant. On a pris un régisseur général très costaud pour bien organiser le planning, qui se jouait à la seconde près : l’arrivée des tables, des jetons, du circuit informatique et des caméras, les équipes d’ouvriers... C’était tout simplement fou !
L’équipe du club a plus de quinze ans d’ancienneté dans le secteur, et c’est grâce à ces expériences accumulées que tout a été possible le jour J. Sans se parler, on savait ce qu’il fallait faire. En un regard, on réglait les problèmes, on trouvait des solutions. On avait déjà vécu des situations tellement folles, comme par exemple à Lloret De Mar, pour le Sismix de Winamax, avec plus de 130 tables sur le festival. Des situations dantesques du genre, on en avait l’habitude. Mais pour le WPT, on a dû former tous les employés à de nouveaux outils et méthodes et il ne pouvait y avoir aucun rodage! Leur premier jour de travail, c’était le jour de l’ouverture des portes du WPT! On s’est appuyés sur le savoir-faire et le sang-froid d’une équipe de MCD et d’un directeur de tournoi (Thomas Gimie) aguerris, qui ne paniquent jamais. Ceci dit, au vu des enjeux et des investissements, le stress était immense...
C’était un tour de force... mais aussi un formidable coup de pub pour le club! Une campagne d’affichage pour lancer le club nous aurait coûté plus cher en communi- cation que cette organisation hors les murs; de plus, ce genre de campagne n’est pas dans notre ADN : on préfère investir sur l’expérience joueur. On avait modélisé cet investissement, avec trois hypothèses de rentabilité. On n’a pas du tout fait ça sur un coup de tête. Et au final, on a fini mieux que le meilleur scénario : 30 % au-des- sus, parce que ça a été un carton absolu... On a dépassé toutes nos espérances !
"entre Paris et le WPT, c’est une longue histoire d’amour"
Sur le chemin de la réussite, il y a eu aussi quelques embardées...
Quand on travaille à flux tendu, qu’il faut partir de zéro, tout est complexe. Sur la sécurité vidéo et audio, par exemple, personne n’a jamais installé plus d’une centaine de caméras de vidéosurveillance en deux jours! La police des jeux a heureusement été extrêmement réactive et pédagogue quant à nos nombreuses questions sur la régle- mentation. Le jour J, à l’entrée du Palais des Congrès, ça commençait à chauffer car les joueurs atten- daient, parfois depuis plus de deux heures, qu’on les laisse entrer dans la salle de tournois... sauf qu’il y avait encore mille problèmes à régler !
Avec deux heures de retard, on commence enfin à ouvrir les tables, une par une; d’abord deux tables au démarrage, puis on a ajouté toutes les autres en temps réel, au fur et à mesure. Les joueurs étaient tellement contents de s’asseoir qu’au final, ils nous ont pardonné les petits soucis de départ. Il faut dire que la salle était belle avec tous les logos WPT autour des joueurs. Et nous, nous étions fiers d’enfin proposer un très grand tournoi à Paris, du même niveau que ce qu’on ne voit normalement qu’à l’étranger. Alors une fois que tout a été lancé, on a enfin pu respirer un peu.
Comment expliquez-vous le succès historique de ce tournoi ?
Tout d’abord, parce qu’entre Paris et le WPT, c’est une longue histoire d’amour. Paris est l’une des étapes historiques des premières saisons de l’histoire du World Poker Tour! Sans oublier que des milliers de joueurs français sont nés en re- gardant les émissions du WPT sur Canal+ avec Patrick Bruel. Nous en avons d’ailleurs fait notre slogan : « Paris Loves WPT». Il y a un attachement particulier en France pour ce festival. Et au sein même du Club Pierre Charron ce lien est très fort, puisque le club a été fondé par un joueur, Grégory Benac, qui a remporté le WPT National Paris en 2012. Symboliquement, c’était le grand retour du poker de tournoi à Paris. Et le fait d’être dans une immense salle comme celle-là légitimait encore plus le poker.
Malgré les difficultés en coulisses pour mettre tout ça en place, on avait confiance car les équipes qui étaient à la tête des tournois font partie des meil- leurs professionnels du secteur, aussi bien au WPT que du côté de nos croupiers ou du personnel d’accueil issu du Club Pierre Charron. Ce qui est fou, c’est qu’à quelques jours près, ça aurait pu être une catastrophe : Viparis a dû fermer le Salon de l’agriculture avant son terme, à cause du Covid-19! Mais le festival était tout juste sous la jauge, et on a pu finir tous les tournois. À l’époque, peu de gens parlaient du Covid, sauf Bruno Fitoussi [rires]! On était bien loin de s’imaginer que, quinze jours plus tard, on allait être confinés et qu’on en aurait pour plusieurs mois de disette absolue en matière de tournois de poker...
Comment voyez-vous le futur et la réouverture du Club Pierre Charron?
Nous sommes confiants dans l’avenir des tournois de poker. Nous pensons que la saison à venir sera très riche en tournois, notamment chez nous. Nous mettons beaucoup d’énergie pour développer une offre très complète et importante. Nous avons plein d’idées en tête et n’attendons qu’une chose : que la situation sanitaire s’améliore. On a tous hâte de réentendre le bruit des jetons résonner à nouveau dans une belle et grande salle de poker, n’est-ce pas ?!